Tant que le système fonctionnait, E. Fottorino comme bien d'autres éditeurs, gérait son entreprise sans aucunement se préoccuper des conséquences de ses actes sur les autres acteurs de la filière (dont les marchands).
Aujourd'hui il reste fidèle à sa ligne de conduite individualiste.
Dans son idée, les éditeurs, dont lui-même, sont primordiaux car sans eux les autres acteurs n'existent pas.
Ce n'est pas totalement faux mais ce n'est pas honnête non plus car sans le réseau il n'existerait pas non plus.
Alors il tire la couverture à lui, pour se protéger, et cela quelles que soient les conséquences de ses actes pour les autres. Et quel que soit les conséquences pour l'avenir (le sien et le nôtre).
Pour le moment il agit dans l'urgence. L'avenir n'existe pas si le présent arrête son aventure.
Interrogé sur la mise en place d'une régulation des prix de la presse (abonnement/vente au numéro) il n'a pas souhaité répondre, preuve que cela ne l'arrangerait pas et que le réseau ne constitue qu'un point de passage obligé qu'il aimerait bien minimiser.
Regardez le nombre de S et de H de ses titres. Ils illustrent bien son intérêt pour nos magasins.
Mais il n'est pas le seul à penser comme ça. C'est le cas de la majorité des éditeurs.
Rares sont ceux qui ont conscience de la nécessité de constituer une réelle association avec le réseau pour pérenniser l'avenir de la filière. Il y en a pourtant, certainement plus clairvoyants que la majorité.
Comme nous n'avons pas le pouvoir d'inverser les mentalités (plus exactement, les intérêts) nous ne pourrons faire évoluer la filière que par l'intermédiaire de l'action des pouvoirs publics. C'est la recherche d'économies qui est notre meilleure alliée.
La régression du marché induit une demande croissante d'aide des éditeurs à l'état.
Or celui-ci est limite, à l'égard de Bruxelles, et souhaite au contraire réduire ses aides.
Il en découlera une rationalisation obligatoire du secteur.
Celle-ci est en route. La modification de la loi en octobre dernier l'atteste.
La fermeture de Presstalis n'est qu'une péripétie dans ce mouvement.
C'est une tentative des financiers d'imposer leurs conditions ou tout au moins de minimiser le changement.
L'etat à évalué le financement nécessaire à 120M€ dont il assurerait 83%.
Il a proposé un financement de 100 M€ (50M€ de prêt/6 ans et 50M€ de subventions).
C'est malin parce que les 50M€ de subventions étaient déjà attribués. Son apport réel supplémentaire serait donc de 50 M€.
En échange il demande aux principaux éditeurs d'utiliser 70% de cette somme pour mettre en place la solution de remplacement de Presstalis (quelle qu'elle soit). Les éditeurs devraient donc réinvestir 70M€.
Mais les financiers ne l'entendent pas ainsi.
Ils évaluent donc le financement nécessaire à 151M€ et demandent en conséquence à l'état de fournir 83% soit 120M€.
Ainsi, si le financement réellement nécessaire est de 120M€ ils n'auront rien à financer eux-même, tout se faisant par le biais de l'état.
Et mieux encore ils demandent l'effacement des 90M€ du prêt accordé en 2018 et la déduction de ce qu'ils ont consenti comme effort ces deux dernières années pour "soutenir Presstalis" (2.5% de leur CA soit 27 M€) du capital à rembourser du nouveau prêt.
Tout ceci n'est donc qu'un histoire de gros sous. Doit-on réellement retenir la notion de "soutien à Presstalis" alors que la messagerie a été sabordée par les mêmes ? La notion de responsabilité est vite oubliée quand il s'agit d'assumer.
Ecoutez les discours de tous ces grands acteurs aujourd'hui. A la radio(Europe 1) et dans le Figaro (qui curieusement se réveille après des années de silence complice) et sans surprise dans Le Monde, ils parlent du problème présent à résoudre pour assurer l'avenir mais ils ne parlent jamais des responsabilités passées.
Pire ils nous prennent, nous et les petits éditeurs, en justificatif de leur action.
C'est parce qu'il faut nous sauver qu'il faut que l'état leur donne de nouveaux financement.
Et l'état le fera, parce qu'il ne peut pas faire autrement. Il habillera la chose sous forme de prêt remboursables mais certainement jamais remboursés. Le contribuable paiera. Mais avant cela il faut s'entendre sur la somme et pour cela il n'est pas question d'obérer le coût social comme cela a été le cas jusqu'à présent. C'est donc la question du moment, à traiter avec la CGT.
Reste qu'après les négociations et les accords à venir, la réforme aura bien lieu, même si c'est à la marge de ce qu'il serait nécessaire.
Si tu veux la paix, prépare la guerre.