Presstalis: Bercy impose les négociations en agitant la liquidation
6 avr. 2020 Par
Emmanuel Schwartzenberg Blog :
Le blog de Schwartzenberg Bercy retient les plans des quotidiens et celui des MLP.
Il contraint les salariés à accepter les plans sociaux. Faute de quoi
c'est la liquidation. La CGT est vent debout.
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9 commentaires 10 recommandés
Le monde de la presse, en particulier, celui de la distribution n’attend pas la fin de la crise du coronavirus pour se
restructurer. Le gouvernement, à travers le
CIRI (Comité Interministériel de Restructuration Industrielle) met la pression sur les quotidiens et les
magazines pour qu’ils dégagent une solution commune, faute de quoi, il cessera de financer les messageries
Presstalis qui n’ont plus de trésorerie. L’entreprise, dont les jours sont
comptés, serait alors la première entreprise française à partir en
liquidation au beau milieu de la crise sanitaire. Ce qui donnerait
l'impression que le gouvernement manque de parole même si la situation
de l’entreprise - un milliard d’euros de dettes, 500 millions de fonds
négatifs, 60 millions d’euros de résultat négatif- ne résulte pas de la
crise économique et sanitaire que nous traversons.
Bercy évoque ouvertement la liquidation de PresstalisDans une lettre adressée dimanche 5 avril,
Louis Marguerite, secrétaire général du
CIRI et
Fabrice Casadebaig, sous directeur de la presse écrite et des métiers de l’information adressée à la direction de
Presstalis et aux conseils juridiques des éditeurs écrivent:
« La situation financière de Presstalis, encore dégradée dans le contexte de
crise sanitaire, rend inévitable un dépôt de bilan. Le directeur
général de Presstalis
a récemment fait savoir que face à l’impasse de trésorerie, il était contraint de régularisée une
déclaration de cessation de paiements auprès du tribunal de commerce de
Paris de manière imminente pour ouvrir dans la foulée une procédure
collective. Sans plan finalisé, permettant d’assurer la poursuite de
l’activité du groupe, il s’agirait d’une liquidation sans poursuite
d’activité ».
Autrement dit du licenciement immédiat des 905 salariés rattachés au groupe et des 500 permanents et intérimaires
employés dans les diverses filiales.
« A ce jour, deux propositions visant à assurer la continuité de la distribution de la
presse nous ont été soumises. Compte tenu du caractère tardif de leur
transmission, un temps de fiabilisation et d’échanges complémentaires,
apparaît nécessaire afin d’éclairer l’arbitrage.
C’est pourquoi l’Etat a décidé d’apporter les fonds nécessaires pour permettre l’exploitation de Presstalis de quelques jours ».
La lettre de Bercy (pdf, 273.8 kB)
En fait, Bercy fixe l’échéance de la fin avril aux éditeurs pour qu’ils
présentent un plan pérenne et négocient avec les salariés un plan
social.
Le ministère de l’Economie et des Finances exerce de facto le chantage suivant: soit vous parvenez à une solution, soit l’Etat retire
son soutien, les éditeurs perdant alors tous leurs avoirs et les
salariés étant licenciés.
Les quotidiens et les magazines campent sur leurs positions
Loin de céder au diktat, les quotidiens et les magazines campent sur leurs
positions et développent des points de vue séparés qui ne concordent que
sur un seul point: la société
Presstalis (ex
NMPP) n’est pas récupérable. Les quotidiens nationaux défendent l’idée d’une
coopérative regroupant les quotidiens nationaux, leurs suppléments et
une partie de la presse magazine, à savoir
Lagardère (
Paris Match) qui bénéfice d’un contrat spécial chez
Presstalis et le groupe
Bayard (Le Pèlerin). Pour fonctionner, cette nouvelle entité bénéficierait des
19 millions d’euros d’aides d’Etat à la distribution, des 12 millions
d’euros de la péréquation (une caisse de solidarité au profit des
quotidiens) et des 9 millions d’euros du fonds de modernisation destiné à
favoriser le passage au numérique des éditeurs.
Le plan élaboré par les quotidiens en est à sa troisième version du plan bleuet. Il
repose sur le départ de 65% des magazines vers la concurrence, en
l’occurrence, les
MLP, d’un alignement des tarifs sur celui-ci (moins onéreux de 4,3%) ,d’une reprise du dépôt de Bobigny qui gère
toute l’Ile de France, quotidiens et magazines inclus. Il mise sur un
chiffre d’affaires en baisse de 10% pour les quotidiens et de 8% pour
les magazines, hors risque coronavirus. Une prospective irréaliste si
l’on sait que la baisse des ventes papier se situait en 2019 et en
janvier février 2020 pour la presse quotidienne nationale à 12,5% et
celle des magazines aux alentours de 14%, partant de -10% pour
CMI à - 18% pour atteindre 10% pour
Prisma.
En février 2020, les derniers chiffres connus avant le coronavirus, les résultats donnaient pour
Le Figaro une vente de 32444 exemplaires (- 12,76% versus 2019), 22000 sans les suppléments, pour
Le Monde 33296 ex, pour
L’Equipe 90433 ex. (-13,05%),
Les Echos 7033 exemplaires (- 11,68%),
Libération 11984 ex.(-12,55%),
Le Parisien Aujourd’hui en France 128538 ex (- 11,65%). Depuis mars, avec le confinement et la fermeture
de 15% des points de vente, de la moitié de 37% des kiosques, de 54% des
enseignes culturelles, le marché a pris, avec deux ans d’avance sur la
tendance en cours. De nombreux éditeurs tablent sur une baisse des
ventes de 30% pour 2020 et de 15% en 2021. En l’espace de deux ans, nous
nous retrouvons dans la situation que nous aurions dû connaître en
2024, voire 2025. A la fin de cette année, la presse quotidienne n’aura
bientôt plus d’existence, au plan national, sur le papier. Elle ne
l'aura que sur internet. En intégrant tous les abonnements,
Le Figaro vendait en février 2020, 93 000 exemplaires mais 125 000 sur internet,
Le Monde lui vendait 110 000 exemplaires
papier mais 217 000 sur la Toile. Même si les chiffres du net sont souvent gonflés
par l’intégration de plusieurs foyers personnes partageant le même
abonnement, ils donnent une idée précise de l’évolution en cours qui
vient de s’accélérer avec le confinement.
Un plan quotidien irréaliste qui légitime la nationalisation de PresstalisPourtant le plan bleuets, dans son ultime version ne tire pas les conséquences de la situation dramatique dans lequel se trouve la filière
papier. Il part d’un chiffre d’affaires de 479 millions d’euros en 2020
pour aboutir à 394 millions d’euros en 2022 alors que ses auteurs le
savent déjà, il sera très inférieur. Ce plan prévoit la suppression de
727 postes de travail, 27 personnes au siège et 82 au dépôt de Bobigny.
Il intègre la fermeture de tous les dépôts de presse de France (niveau
2), à l’exception de Bobigny, ce qui entraine le licenciement sec de 506
personnes. Le coût social de ce plan social est chiffré à 85 millions
d’euros.
Loin d’être équilibré, ce plan élaboré hors coronavirus ne prévoit pas d’équilibre d’exploitation. En 2022, les charges
d’exploitation sont négatives à hauteur de 73,4 millions d’euros pour
les messageries et de 18,8 pour le seul centre de Bobigny. En intégrant
les aides d’Etat, la nouvelle société perd encore, en 2022, 900 000
euros et Bobigny, après subvention, gagnerait, à peine, 1,3 million
d’euros. Le coût du démarrage de la nouvelle structure est estimé à 30
millions d’euros et le coût total de plan est évalué à 134 millions
d’euros et 66 millions d’euros restent encore à financer. A moins
d’imaginer que ce plan qui relève de la provocation ne soit qu’une
stratégie menée par les quotidiens nationaux pour déclencher la
nationalisation de
Presstalis, on comprend mal que l’Etat soutienne une nouvelle entreprise qui licenciera plus de 700 personnes
et sera en pertes permanentes. Etant donné l’absence totale de
viabilité du plan, le
CIRI serait conséquent avec lui-même s’il admettait que la distribution des quotidiens doit être confiée à un
organisme ou une société d’Etat.
Le plan des quotidiens (pdf, 672.6 kB)
Les magazines ne veulent pas, eux, participer à cette
nouvelle aventure. Ils appuient, à travers leur coopérative, un projet parallèle conçu par les
MLP avec la bienveillance, semble t-il du
Figaro car
Marc Feuillée, son directeur général a participé à une réunion visant à entérinant ce
nouveau plan avec la direction et les membres de ces messageries.
Intégration d'une baisse du marché de 25% et création de coopératives
Compte tenu de la crise sanitaire, les
MLP ne font pas ,elles, de prospective et tablent, en reprenant
l’intégralité des magazines et publications, sur un chiffre d’affaires
global du secteur 937 millions d’euros, soit une baisse de 25% pour
l’année en cours. A la différence du plan bleuets, on parle peu de
licenciements mais davantage de bénéfices. Dès la première année,
l’entreprise dégage un ebitda de 6,6 millions d’euros et dispose d’une
trésorerie de 61 millions d’euros. Des résultats qui s’expliquent par
l’absence de prise en charge du coût exorbitant de la distribution des
quotidiens mais qui sont obtenus en l’absence d’aides publiques liées à
celle-ci.
53 personnes sont reprises au siège, la partie informatique de
Presstalis est rachetée pour 3,8 millions d’euros, les dépôts de presse (niveau 2)
sont transformés en Scoop, c’est-à-dire en coopératives.
Pour favoriser cette mutation, les
MLP apporteraient aux
SAD (Société d’Agence de Diffusion) de Lyon et Marseille un million
d’euros, soit 10 000 euros par salarié et elles s’engageraient à passer
avec elles un contrat de clientèle pour cinq ans. L’histoire de la
presse est jalonnée de coopératives : l’imprimerie de
Paris Normandie, les typos du
Canard Enchainé, l’imprimerie de Corbeil, celle de
Nice Matin qui s’est battue pour empêcher l’arrivée de
Bernard Tapie en font partie. En l’espèce, la seule question qui se pose concerne le
degré d’autonomie et d’indépendance de ces futures coopératives vis à
vis des
MLP. Pourront-elles, par exemple, traiter avec d’autres messageries que celles-ci?
Ce plan recueille déjà l’assentiment de nombreux acteurs.
Le syndicat national des dépositaires de presse (
SNDP) (65% du marché), le réseau des dépositaires
Alliance, le syndicat des éditeurs de la presse magazine (
SEPM) soutiennent ce projet.
Le plan des magazines (pdf, 755.1 kB)
En revanche, et cela pourrait suffire à faire échouer toute l’opération, le
SGCLE-CGT y est violemment hostile. «
Dans le contexte annuel, nous dénonçons toutes les négociations fictions. Nous n’apportons notre soutien à aucun projet, nous déclare
Didier Lourdez, secrétaire général du syndicat.
On nous parle de rentrer dans des coopératives mais nous n’avons pas la
moindre intention d’être des prestataires de service. Nous n’acceptons
pas l’idée que les magazines qui ont largement profité du système quand
les quotidiens en étant les plus grands pourvoyeurs veulent désormais
l’abandonner.
Dans le contexte actuel, il nous semble primordial de gagner du temps. Ce n’est pas parce que les éditeurs n’ont
pas réussi à se mettre d’accord sur un projet commun qu’il ne faut pas
tendre vers cet objectif. Nous sommes dans l’attente d’un plan accepté
par la coopérative des quotidiens et celle des magazines. En pleine
crise de coronavirus quand nul ne sait dans quel état nous allons
retrouver le marché, la sagesse consiste à repousser toutes les
décisions. Dans cette attente, s’il faut nationaliser, comme l’a suggéré
Bruno Lemaire, les entreprises en difficulté, nous demandons que
Presstalis bénéficie de cette option ». A l'aune de cette double présentation de plan qui suscite l'hostilité syndicale, certains
éditeurs comprennent mieux la phrase lâchée par
Hélène Bourbouloux, administratrice judiciaire de
Presstalis "
il vaudrait mieux se donner trois mois avant de trancher le dossier".
A ce jour, la situation parait donc totalement bloquée. S’il est
impensable que le gouvernement laisse partir, en période de confinement,
Presstalis en liquidation directe, l’éventualité que cette perspective se réalise
fin mai ou début juin, ne peut plus être écartée. C’est une hypothèse
de travail du gouvernement. C'est sur cette menace que
Bercy compte jouer pour faire accepter par les syndicats le plan social. Le Club est l'espace de libre expression des abonnés de Mediapart. Ses contenus n'engagent pas la rédaction.
L'auteur
Emmanuel Schwartzenberg journaliste
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